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La faute de Godlas

Je n’aurais su dire si le regard des chinorks était hospitalier ou non. Consciente que les humains n’étaient pas leurs plus grands amis, je ne savais pas non plus comment entreprendre avec eux un dialogue que je désirais amical. J’espérais que ma prodigieuse faculté à pouvoir parler n’importe quelle langue, sans l’avoir apprise, me serait une fois de plus utile. Toutes ces pensées se bousculèrent dans ma tête en l’espace de quelques secondes seulement, le temps qu’Alexis brise la glace.

Il s’adressa à Yodlas d’une voix grave, dans un dialecte dont les sonorités s’apparentaient aux grondements sourds du tonnerre. Quelques instants me suffirent pour que ce dialogue trouve encore une fois aisément le chemin de la traduction ; j’avais oublié que je l’avais précédemment compris en rêve. L’accueil ne me parut cependant pas des plus cordiaux ; je sentais poindre une franche hostilité sous les propos.

— Que nous vaut ta présence cette fois, sire de Canac ? Il y a maintenant bien longtemps que tu ne t’es déplacé aussi loin à l’extérieur des terres sans la protection de ta sorcière. Serions-nous enfin débarrassés de sa fort désagréable gouverne ou viens-tu nous donner une fois de plus, comme ton père avant toi, des directives que nous n’aurons nulle envie de suivre ? Si tel est le cas, nous ne te retenons pas. Notre patience a des limites, que vous avez tous les deux outrepassées depuis un certain temps déjà. Tâchez de vous en souvenir, cela vaudrait mieux pour vous. Et maintenant, si tu n’y vois pas d’inconvénients, nous aimerions regagner nos monts enneigés sans avoir besoin de t’expulser au préalable.

Yodlas jeta un rapide coup d’œil dans notre direction. De toute évidence, c’est Mélijna qui avait hérité de la place de Maxandre, ou l’avait usurpée, ce qui était beaucoup plus probable… Je n’eus pas le temps de poursuivre ma réflexion ni de voir comment Alexis allait rétablir les faits puisqu’une vague de froid me submergea. En l’espace de quelques secondes, mes membres s’engourdirent comme si le sang n’y circulait plus et je me sentis sombrer doucement dans l’inconscience. Puis la tendance s’inversa aussi soudainement qu’elle était apparue ; j’eus l’impression de me blottir dans un cocon de chaleur alors que mes membres retrouvaient leur entière mobilité. Lorsque j’ouvris les yeux, ce fut pour me retrouver flottant doucement dans ce qui avait l’apparence d’une bulle de verre, à une trentaine de centimètres du sol. Je regardai autour de moi et croisai des regards extrêmement surpris, mais surtout étrangement respectueux, dans les rangs des chinorks. Quoi que je venais de faire sans en être consciente, j’étais convaincue d’avoir gagné à jamais la confiance de ce peuple.

Aussi rapidement qu’elle avait dû se former, la bulle de protection disparut, sans doute parce que toute forme de danger était désormais écartée.

Avant que je n’aie ouvert la bouche, Yodlas fit face à Alexis. La colère qui assourdissait sa voix ne présageait rien de bon.

— Où l’as-tu trouvée, cette fois ? Tu espères peut-être que nous serons à nouveau les complices de tes manigances ?

— Yodlas, attends…

Je mis quelques secondes à réaliser que c’était moi qui venais de parler. Lorsque tous les regards se tournèrent dans ma direction, je compris que cette requête avait franchi mes propres lèvres. Ayant obtenu l’attention générale, j’aurais dû en profiter, mais je ne savais plus que dire. Depuis mon arrivée dans ce monde, je cultivais avec brio l’art d’avoir l’air d’une sombre idiote. Alexis se réveilla soudainement et reprit les rênes de la conversation, à mon grand soulagement.

— C’est un malentendu, Yodlas, je ne suis pas l’homme que tu crois. Je…

Mais ce dernier semblait peu enclin à écouter celui qu’il prenait toujours pour le sire de Canac. Les chinorks resserrèrent sensiblement leurs rangs autour de nous. Si je croyais être protégée, je n’étais pas du tout certaine que ce fut le cas de mes deux compagnons. Et si ces créatures pensaient que j’étais sous l’emprise du frère d’Alexis, ils risquaient de ne pas se montrer des plus tendres envers mon Cyldias. Je tentai donc, encore une fois, la voie de la communication.

— Je suis venue parce que Maxandre me l’a demandé.

Je n’ajoutai rien de plus et attendis leur réaction, le cœur battant. Yodlas arrêta son mouvement vers Alexis, dont je préférais ignorer la nature, pour s’approcher de moi et m’observer. Ne pouvant tourner la tête – il n’en avait pas ! –, c’est son corps en entier qu’il bougea. Je soutins son regard scrutateur sans ciller. La méfiance que je lisais dans ses yeux ne me rassura guère.

— Maxandre ne croyait pas qu’il restât des Filles de Lune vivantes et inconnues en ce monde lorsqu’elle l’a quitté. Vous ne pouvez donc pas venir à sa demande. De toute façon, vous êtes beaucoup trop jeune pour avoir connu la grande Gardienne.

Le ton de Yodlas m’avertissait clairement de ne pas le prendre pour un imbécile. Il se tenait juste devant moi et devait mesurer environ cinquante centimètres de plus que ma petite personne. Rien pour me mettre en confiance. Il pouvait aisément me casser en deux si l’envie lui en prenait. Je souhaitai soudain ardemment qu’une forme de magie me protège effectivement des éventuelles sautes d’humeur de ce géant. Je nuançai prudemment mes propos.

— Je ne l’ai pas rencontrée, c’est vrai, mais c’est tout de même son souhait que je me rende au sanctuaire. Pouvez-vous simplement me permettre de m’expliquer et laisser également parler l’homme qui m’accompagne, que vous prenez vraisemblablement pour un autre ? Si nos arguments ne vous satisfont pas, vous pourrez toujours vous débarrasser de nous, dis-je avec plus de gentillesse que je ne m’en croyais capable, vu mon état d’énervement.

Surpris par mon brusque changement de ton, Yodlas accepta. Je traçai brièvement un portrait de la situation, histoire de ne pas abuser de la bonne volonté de nos hôtes. Mon songe de la dernière rencontre de Yodlas avec Maxandre se révéla exact. Quant à Alexis, il se contenta de soulever sa chemise et montrer au chef des chinorks quelque chose que je ne vis pas. Cela eut un effet immédiat. Tout malentendu se dissipa sur-le-champ et la petite troupe de gardiens proposa de nous guider vers notre destination finale.

Nous avancions lentement, n’ayant pas l’endurance physique des chinorks ni l’habitude des montagnes. Nos guides firent montre d’une grande patience à notre égard, acceptant de faire de nombreuses pauses pour nous permettre de les suivre sans trop de peine. De longues heures plus tard, nous nous arrêtâmes pour la nuit. La montée ardue vers le sommet se prêtant difficilement à la conversation, Alexis profita de cet arrêt pour clarifier davantage la situation. Les explications sommaires de la matinée firent place à plus de détails me concernant. Il en profita également pour demander à quand remontait la dernière visite de son frère.

Yodlas manifesta une certaine réticence à répondre à cette question. Un de ses compagnons lui dit alors que ce ne pouvait qu’être une bonne chose que des étrangers au clan sachent ce qui se passait réellement depuis une vingtaine d’années. Yodlas ne semblait pas d’accord, arguant que cela risquait de nuire encore plus à son peuple et qu’il hésitait toujours à faire totalement confiance à des humains, aussi bons puissent-ils paraître. La discussion dégénéra rapidement. Finalement, Yodlas se leva, la mine sombre. Il quitta le cercle que les marcheurs formaient autour d’un feu et reprit son ascension, malgré l’heure tardive. Alexis fit mine de le suivre, mais le jeune chinork à l’origine de la discussion le retint.

— Laissez-le. Il sait que vous devez être informé de ce qui se passe, mais son orgueil lui commande de ne pas rester pour l’entendre. Il se sent responsable de ce qui est arrivé la première fois qu’une Fille de Lune est venue jusqu’ici, quelques années après le décès de Maxandre, même si personne ne l’en a jamais blâmé. Il a l’impression d’avoir failli à ses obligations et se remet constamment en question depuis. Les visites de Mélijna et du sire de Canac n’apportent chaque fois que des ennuis.

Il soupira avant d’en revenir à Yodlas.

— Il reviendra, ne vous en faites pas. Je crois qu’il s’en veut également de ne pas avoir compris que vous aviez un jumeau. Il a longtemps ruminé votre supposée trahison, il y a quelques aimées, croyant que vous aviez d’abord choisi de nous respecter lors d’une première visite pour mieux profiter de notre position de gardiens au cours de vos visites suivantes. Personne, dans nos rangs, ne s’est jamais douté qu’il existait deux sires de Canac identiques. Les informations que nous avions recueillies parlaient seulement d’un frère avec lequel Alejandre ne s’entendait pas, rien de plus…

— Il n’y a qu’un seul sire de Canac et c’est mon frère, mentionna Alexis avec amertume. Mais je comprends fort bien la position de votre chef, puisque j’ai moi-même contribué à ce que vous ayez cette impression.

Le chinork fixa Alexis d’un air surpris.

— Je me suis effectivement présenté à Yodlas comme étant le sire de Canac. J’ai délibérément usurpé l’identité de mon frère pour me rendre jusqu’ici. Je savais que Yodlas connaissait son existence par le biais de Mélijna. Cette dernière s’était empressée de revendiquer le titre de grande Gardienne des Passages, avant que Wandéline ne puisse le faire. Je voulais voir comment vous réagissiez à ce bouleversement. Je soupçonne d’ailleurs cette prise partielle de pouvoir d’être à l’origine du dernier changement d’allégeance de Wandéline. Cette dernière a dû se dire qu’il valait mieux être dans le clan opposé à celui de sa consœur pour réussir à lui reprendre ce semblant de position. De toute façon, comme il n’y avait plus d’Élues à gouverner, ce titre perdait beaucoup de valeur.

Le chinork enchaîna à la place d’Alexis.

— Sans oublier que Maxandre n’a pas fait de passation des pouvoirs, comme l’exige la tradition. Elle a pratiquement laissé à Yodlas le soin de lui trouver une véritable remplaçante, possédant non seulement les capacités et la volonté, mais aussi un cœur exempt de méchanceté et de convoitise. C’est surtout pour cette dernière raison que Yodlas s’en veut autant et ne peut tourner la page. Le talisman de Maxandre est désormais perdu et tant que nous ne parviendrons pas à le retrouver, il y a peu d’espoir que les gardiennes aient un jour à leur tête une dirigeante digne de ce nom. Il est également ardu de retrouver les Filles de Lune restantes, puisque sans le savoir et les pouvoirs de Maxandre, il est pratiquement impossible de se rendre dans les autres mondes. Le seul espoir qu’il nous reste, c’est que ces femmes reviennent par leurs propres moyens. Malheureusement, elles sont beaucoup trop craintives pour le faire, sachant qu’elles seront traquées et probablement éliminées si elles refusent de coopérer. Tout ça sans compter celles qui ne savent tout simplement pas qui elles sont…

Je jetai un œil à Madox et à Alexis pour me rendre compte qu’ils semblaient presque aussi perdus que moi devant ce déluge d’informations. Je décidai donc de sortir de mon mutisme et de poser les questions qui s’accumulaient dans mon pauvre crâne sur le point d’exploser. Je m’aperçus soudain que je ne connaissais même pas le nom de notre interlocuteur.

— Euh… Monsieur…, fut tout ce que je trouvai à dire pour m’introduire dans la conversation.

Le principal intéressé éclata de rire devant mon air gêné.

— Je m’appelle Mélus.

— Eh bien, Mélus… J’avoue que je suis un peu perdue…

Le retour de Yodlas ne lui donna pas le temps d’éclaircir ses propos. Le jeune chinork céda la parole à son chef de bonne grâce, vraisemblablement heureux de ce revirement.

— Je vous offre mes excuses les plus sincères. Mon comportement est indigne d’un hôte envers des invités. Je…

Alexis ne le laissa pas se torturer inutilement.

— Reprenez plutôt le récit de Mélus…

Yodlas esquissa un sourire contrit.

— D’accord… Je vais tenter de résumer clairement ce que vous devez absolument savoir.

Son regard se perdait dans le lointain, faisant renaître ses souvenirs.

— Bien avant que vous ne voyiez le jour tous les trois, les Filles de Lune appartenaient déjà aux légendes, au même titre que les Êtres d’Exception. Quand Maxandre nous a quittés, elle était triste de savoir que les femmes dont elle avait théoriquement la garde n’existaient vraisemblablement plus que dans les mondes parallèles au nôtre. Sa consolation, c’était de les savoir ainsi en sécurité, loin de la convoitise des descendants de Mévérick, puisque sans l’une d’elles, ils ne pouvaient franchir les passages sans en subir les terribles conséquences. Vous me suivez jusqu’ici ?

J’acquiesçai en même temps que mes compagnons.

— C’est plutôt la succession de Maxandre qui nous intrigue, précisa Madox. Nous pensions qu’elle se faisait automatiquement entre les Filles de Lune restantes, même si elles n’avaient pas été assermentées. Nous…

Yodlas intervint sans prévenir.

— Maxandre savait que ni Wandéline ni Mélijna ne pourraient accomplir la tâche sans succomber à l’appel du camp adverse et que la Recluse n’avait tout simplement pas le droit d’être nommée. Voilà pourquoi elle n’a pas passé les pouvoirs avant de monter au sanctuaire. Elle savait que, si elle mourait sans faire le nécessaire, c’est Alana qui devrait trancher et lui trouver un successeur, ou encore, attendre qu’une véritable Fille de Lune apte à lui succéder revienne sur cette terre. Contre toute attente, la déesse se rangea à l’opinion de Maxandre selon laquelle personne sur la Terre des Anciens ne pouvait décemment prendre sa place. La protectrice des gardiennes scella donc l’essence même de Maxandre dans un talisman qu’elle laissa dans la grotte, attendant patiemment qu’une femme digne de ces pouvoirs vienne en prendre possession. Il s’écoula une dizaine d’années au cours desquelles Wandéline et Mélijna se disputèrent la succession de la vieille femme, bien que certains aient cru que Wandéline avait tout de suite renoncé à prendre le relais de Maxandre.

Je me souvins que c’était effectivement ce que Madox m’avait raconté le matin même. Je n’étais guère étonnée que ces deux femmes aient réussi à si peu attirer l’attention. Ce monde semblait porter des œillères perpétuelles…

— À tour de rôle, elles montèrent au sanctuaire à plusieurs reprises. Jamais elles ne purent mettre la main sur le précieux talisman, incapables, semble-t-il, de franchir le seuil de cet endroit sacré. Un jour, Mélijna vint accompagnée d’une autre jeune femme aux yeux dissemblables.

Le regard de Yodlas se voila de tristesse en même temps que le mien et celui de Madox. Je ne connaissais pas encore la raison de la mélancolie du chinork, mais pour Madox et moi, le souvenir de notre mère flotta un instant.

— Aujourd’hui, je sais que cette jeune femme obéissait aveuglément à Mélijna, qui la tenait sous son emprise, mais à l’époque, j’ai sous-estimé les pouvoirs de cette sorcière. Surtout, je ne croyais pas qu’on puisse utiliser ce genre de magie sur une Fille de Lune, compte tenu que les capacités de ces dernières sont beaucoup plus grandes que celles de simples sorcières, aussi noirs puissent être leurs desseins et leur magie.

— Mélijna est une Fille de Lune, non ? Elle doit posséder les mêmes facultés que celles qui gardent les passages ? demandai-je alors.

C’est Madox qui me répondit.

— Même si Mélijna a reçu des dons à sa naissance, elle doit trouver seule le moyen de les faire progresser. Les Sages, de même qu’Alana, n’octroyaient de grands pouvoirs qu’aux femmes assermentées, qui réussissaient les épreuves et qui obtenaient la garde d’un passage en particulier, en plus de veiller sur tous les autres. Les très rares Filles de Lune rejetées ne pouvaient compter que sur elles-mêmes si elles voulaient progresser. Comme il était pratiquement impossible de trouver quelqu’un qui ne soit pas un Déûs ou un Sage pour leur enseigner, elles devaient nécessairement se tourner vers les forces des ténèbres pour parvenir à leurs fins. Inutile de te dire qu’après les avoir formées, les véritables sorciers n’avaient aucune peine à les convaincre de se joindre à eux pour se venger d’avoir été rejetées.

— Pourquoi ne les gardait-on pas dans nos rangs ? questionnai-je. Elles auraient pu nous être utiles, même sans avoir la garde des passages. Surtout que les Sages et les Déûs devenaient de plus en plus rares.

— Parce qu’il fut décidé, au tout début, qu’il n’y aurait qu’une gardienne par génération, le savoir se transmettant de mère en fille. Pendant plusieurs siècles, la situation ne posa aucun problème puisque les gardiennes parvenaient à enfanter au moins une fois avant de se consacrer à la garde du passage qui leur était assigné. Au moment où sa fille prenait la relève, la femme en poste se voyait confier diverses missions d’enseignement et d’aide dans les mondes parallèles alors que sa petite-fille commençait déjà son apprentissage pour un jour remplacer sa mère. C’est l’origine de celles qu’on traquait et accusait de sorcellerie dans ton monde. C’est du moins ce que croyait Andréa.

Je saisis ce que ma mère avait compris, autrefois. Dans l’histoire de Brume, les herboristes, les guérisseuses, les femmes qu’on disait vouer un culte au diable ou propager la maladie et la mort étaient presque toujours des femmes seules et sans enfant, quel que soit leur âge. Il était plus que probable que certaines d’entre elles aient effectivement été des Filles de Lune. Il est parfois étrange de découvrir la source de certains préjugés ou comportements qui persistent à travers le temps.

— Mais n’avez-vous pas dit qu’il n’y avait que quelques femmes à l’origine des Filles de Lune ? C’est bien peu comparativement au nombre de sorcières que mon monde semble avoir accueillies par le passé.

Madox répondit une fois de plus.

— Les Filles de Lune ne vieillissent pas au même rythme que le reste de la population, à l’instar des Êtres d’Exception, des Déûs et des Sages. Leur espérance de vie se situe autour des deux à trois cents ans, parfois même plus…

Je classai cette nouvelle révélation dans un recoin de mon cerveau, de peur de ne plus pouvoir me concentrer sur ce que disait mon frère. La perspective de devoir affronter des problèmes comme ceux que j’avais actuellement pendant plus de deux siècles encore risquait de me rendre folle si je m’y attardais.

— Mais même avec la possibilité de vivre aussi longtemps, cela n’explique pas leur nombre élevé, insistai-je.

— Pour répondre aux besoins des différents mondes sans avoir trop de femmes sur qui garder un œil, les Sages choisirent la plus simple des solutions : le sortilège de Murial. Ils créaient ainsi plusieurs copies d’une même Fille de Lune.

— Tu veux dire qu’ils multipliaient plusieurs fois la même femme ?

— Exactement ! Sachant que chaque copie ressemblait en tous points à l’originale, qui avait déjà fait preuve de dévouement et de loyauté, ils étaient tranquilles.

Voilà qui expliquerait les nombreux témoignages de gens qui disaient avoir vu des femmes parfaitement identiques – presque toujours des sorcières, en l’occurrence – à plus d’un endroit à la fois.

— Elles étaient aussi très faciles à reconnaître si, pour une raison ou une autre, quelqu’un avait pour mission d’en retrouver une. Chacune portait en effet un tatouage sur la hanche droite : noir pour les Élues, vert pour les copies. Nos Sages avaient pensé à tout.

— Avaient-elles toutes la même espérance de vie ?

— Non ! Seule la véritable Fille Lunaire avait le privilège de vivre beaucoup plus longtemps.

— Et si l’une d’elles voulait fonder une famille de l’autre côté ?

— Chacune n’avait le droit d’enfanter qu’une seule Fille de Lune – la première à naître –, pour assurer la relève. Il lui revenait ensuite de décider si elle avait envie d’avoir d’autres enfants, filles ou garçons.

— Maman a bien eu Laédia sur la Terre des Anciens ! ripostai-je, comme si je voulais le prendre en défaut.

En entendant le mot « maman », Yodlas plissa les yeux pour m’examiner attentivement. Personne n’avait pensé à l’informer que Madox et moi étions les enfants de la Fille de Lune qu’il avait rencontrée dans ces montagnes quelque dix années plus tôt. Alexis, à qui jamais rien ne semblait échapper, s’empressa de dresser un bref portrait de la situation pour le bénéfice des chinorks. Ces derniers se tournèrent vers Madox et moi avec curiosité, mais s’attardèrent surtout sur moi. Je les soupçonnais de chercher des ressemblances. Je leur souris, ne voyant pas ce que je pouvais faire d’autre, avant d’enjoindre Madox à continuer.

— Personne n’a dit qu’elle ne pouvait plus enfanter de fille, mais bien que seule la première d’entre elle aurait des pouvoirs hors du commun et des yeux comme les tiens. Les Sages ignoraient que tu avais déjà vu le jour sur la terre de Brume et que ton père était issu de l’élite. Ils croyaient plutôt que notre mère mettrait enfin au monde une Fille de Lune pour assurer la survie de la lignée. Ce n’est qu’à la naissance de Laédia, qui n’avait aucune particularité, qu’ils ont compris que maman avait déjà engendré l’héritière qu’ils espéraient…

— C’est pourquoi ils ont envoyé quelqu’un par le passage maudit pour me retrouver…, supputai-je.

Alexis me regarda avec étonnement tandis que Madox détournait les yeux un instant.

— Nathaël n’est jamais revenu, dit mon protecteur. Que lui est-il arrivé ?

— Il est mort, fis-je platement. Il n’a survécu que quelques minutes à la traversée. C’est le hasard qui a fait que j’étais là, rien de plus. J’ai compris le sens de ce qu’il avait dit quelques semaines seulement avant de venir ici, alors que je l’ai vu mourir il y a plus de dix ans.

— Même si j’étais très jeune à l’époque, je me souviens que maman a fait une crise épouvantable quand les Sages ont voulu envoyer quelqu’un te chercher, énonça Madox, le regard perdu dans le vague et la voix soudainement nostalgique. Plus tard, elle m’a raconté qu’elle ne voulait surtout pas que tu viennes sur la Terre des Anciens si jeune. Face à l’intransigeance des Sages, elle a donc fait mine d’accepter l’inévitable pour mieux te protéger. Elle s’était toutefois juré que Nathaël n’arriverait pas à la bonne époque ou qu’il ne survivrait pas au voyage. J’ignore comment elle s’y est prise, mais il semble qu’elle ait réussi l’un comme l’autre…

Un long silence accueillit ce récit. Ainsi, ma mère avait délibérément envoyé quelqu’un à la mort pour m’éviter les problèmes dans lesquels j’allais moi-même m’enfoncer plus tard.

— Ta mère t’avait donc laissée à la garde de ton père, qui ne savait rien de tes origines, je suppose ? me demanda Alexis, me faisant sursauter et brisant par la même occasion le malaise qui s’était installé.

— Je ne sais pas qui est mon père, dis-je dans un haussement d’épaules. Je l’ai déjà mentionné à Madox.

Il me lança un regard incrédule avant de dévisager mon frère, qui haussa les épaules lui aussi, l’air de dire : « Désolé, j’ai oublié de t’en parler. » Il remédia sur-le-champ à cette lacune, expliquant ce qu’il avait découvert : mon père devait vraisemblablement faire partie de l’élite de la Terre des Anciens.

Les épaules d’Alexis s’affaissèrent sensiblement à cette révélation.

— Comme si nous avions besoin d’un problème de plus…

Yodlas toussota alors discrètement. Cela nous ramena au sujet premier de notre conversation.

— Vous avez demandé pourquoi les pouvoirs de Mélijna étaient moins grands que ceux des Filles de Lune assermentées, me rappela-t-il, tournant ensuite son torse vers Madox pour que ce dernier poursuive son explication.

— Pour éviter de m’égarer à nouveau dans les nombreux dédales de l’histoire de la lignée maudite, j’irai à l’essentiel. Les problèmes sont apparus le jour où une Fille de Lune a mis au monde des jumelles identiques. Celles-ci ont vite compris, en vieillissant, qu’il n’y aurait de place que pour l’une d’elles, puisque les Sages refusaient de modifier nos lois ancestrales. La suite était prévisible. La rancœur de celle qui fut mise à l’écart n’eut de cesse de grandir. La situation se serait rétablie d’elle-même avec la mort de la jumelle évincée, cette dernière n’ayant pas la longévité de sa sœur, mais c’était sans compter sa détermination et sa soif de vengeance. Dans les profondeurs de la magie noire, elle sembla avoir trouvé le moyen de vivre indéfiniment. Elle a aujourd’hui plus de quatre cent cinquante ans, et son savoir et sa magie ne cessent de grandir au fil du temps.

— Comment peut-elle avoir vécu si longtemps si elle n’est pas assermentée ? ne puis-je m’empêcher de demander.

— Personne ne connaît la véritable histoire de Mélijna, à part elle-même. La seule certitude, c’est qu’elle disparaît quand elle sent la vie la quitter, probablement le temps de refaire ses forces. Et nous ignorons toujours comment elle s’y prend. Elle refait ensuite surface au sein d’une famille descendante de Mévérick afin d’utiliser leur quête du trône d’Ulphydius, et la nécessité qu’ils ont de trouver une Fille de Lune pour accomplir la prophétie, pour atteindre le but qu’elle s’est fixé : la destruction pure et simple des Filles d’Alana… Puisque la lignée maudite existe toujours, c’est donc que Séléna a eu une fille et qu’elle est parvenue à la soustraire à la vindicte de sa sœur. Il a dû en être ainsi jusqu’à ce que nous arrivions à… toi.

Madox s’était tourné vers moi, espérant peut-être que je pourrais les éclairer sur le cheminement de ma lignée, depuis Séléna jusqu’à mon retour. Force me fut d’admettre que si je connaissais une partie de l’histoire, soit celle débutant avec Miranda, je n’avais aucune idée de ce qui avait précédé la venue de cette dernière sur la terre de Brume.

Incapables de joindre les deux tronçons de généalogie, nous revînmes à Mélijna.

— Voilà pourquoi elle convoitait tant le talisman de Maxandre ! comprit Yodlas. Il lui aurait permis de retrouver les Filles de Lune dispersées dans les différents mondes parallèles.

— C’est forcément ça ! approuva Alexis. Mais son plan ne s’est pas déroulé comme elle le prévoyait, puisque tu dis que le talisman est perdu et que les gardiennes n’ont toujours personne pour veiller sur elles depuis le décès de Maxandre.

— Oui… Et c’est malheureusement de ma faute.

Le débit du chinork s’accéléra sensiblement, comme s’il était pressé d’en finir avec le récit de son erreur.

— Lorsque Mélijna est apparue avec une véritable Fille de Lune, j’ai respecté le souhait de cette dernière de se rendre là-haut, espérant que ce serait celle que Maxandre attendait.

Je leur ai proposé de les accompagner, comme je l’ai fait pour vous. Mais Mélijna m’a fait comprendre qu’elle n’avait pas besoin de créatures toujours fidèles à Maxandre. Je me suis opposé à ce qu’elles se rendent seules au sanctuaire. C’est à ce moment que la jeune femme s’est interposée. Elle assurait qu’elle avait toute confiance en Mélijna pour la protéger et qu’elle préférait ne pas avoir d’escorte.

Yodlas soupira bruyamment.

— Je ne vois pas en quoi vous êtes responsable de la perte du talisman si vous êtes resté ici. Vous n’avez fait que respecter les demandes d’une gardienne, releva Alexis avec justesse.

— Ce n’est malheureusement pas si simple. La jeune femme qui accompagnait Mélijna n’était pas encore une gardienne ; je pouvais donc lui imposer la présence d’un de nos représentants. Toutefois, j’ai choisi de lui faire confiance, de même qu’aux forces qui gardent l’entrée du sanctuaire. Je savais que celles-ci empêcheraient Mélijna d’y entrer : seules les Filles de Lune assermentées ou sur le point de l’être y ont accès, de même que de rares Sages…

Le chef de clan s’arrêta un instant. Il prit une grande inspiration avant de poursuivre.

— À peine étaient-elles parties que je regrettais ma faiblesse. Je profitai du fait que mon peuple est seul autorisé à se déplacer par magie sur la montagne pour les attendre près de l’entrée du sanctuaire.

Yodlas m’observa un moment, en silence. Je ressemblais probablement davantage à ma mère que je ne le croyais…

— Elles arrivèrent deux jours plus tard, en début d’après-midi. Il ne fallut que quelques minutes pour que mes doutes soient justifiés. Mélijna s’est mise à parler dans la langue sacrée des gardiennes. La jeune femme a hoché plusieurs fois la tête en signe d’assentiment, avant de tourner les talons et de pénétrer dans la grotte. Elle en est ressortie un peu plus tard, serrant un petit objet dans sa main droite. Mélijna a tendu la main vers elle, une lueur d’avidité au fond des yeux. Elle allait enfin mettre la main sur le talisman qu’elle convoitait depuis de nombreuses années.

— Comment pouvait-elle espérer entrer en possession du savoir et des pouvoirs qu’il contenait puisqu’elle n’est pas une Fille de Lune reconnue ? Le sanctuaire lui refusait l’accès, non ?

— Il le lui refusait, en effet, parce que je l’ai vue rebrousser chemin à plus d’une reprise, fortement mécontente et profondément humiliée. Par contre, rien ne pouvait me garantir qu’elle ne possédait pas la magie nécessaire pour extraire du talisman les informations dont elle avait besoin. Au lieu de faire confiance à Maxandre pour la protection de l’amulette, j’ai commis l’erreur de douter.

— Et tu as voulu l’empêcher de le prendre, n’est-ce pas ? demanda Madox. Ta présence n’a pas dû lui plaire, hein ?

— Ça, pour ne pas lui plaire… Elle est entrée dans une colère terrible en découvrant que je les espionnais. Elle m’a menacé de je ne sais combien de sortilèges horribles et de mises à mort atroces si elle croisait mon chemin en dehors de la montagne qui m’accorde sa protection. Mais le pire, c’est que pendant qu’elle hurlait, elle a perdu le contact nécessaire à la possession de l’esprit de la jeune femme. Cette dernière est alors sortie de sa transe et est entrée dans une colère toute aussi terrible que celle de la sorcière en comprenant ce qu’elle s’apprêtait à faire. Craignant qu’elle ne se réfugie dans le sanctuaire, Mélijna a voulu l’en empêcher en créant un champ de force autour d’elle. Elle avait oublié que la montagne ne permet pas ce genre de magie contre une Élue. Les forces qui s’opposaient ont donc créé une tempête d’énergie qui a duré quelques minutes. Lorsque le calme est revenu, Mélijna ne s’est pas immédiatement rendu compte que l’objet sacré avait disparu des mains de la Fille de Lune. En rompant la détention psychologique, la jeune femme avait récupéré suffisamment de facultés pour pouvoir mettre le talisman en lieu sûr. Ensuite, je ne sais plus…

Le regard de Yodlas se porta au-delà des flammes. Il revoyait probablement une scène dont nous ne serions jamais témoins.

— Quand les miens m’ont retrouvé, il faisait déjà nuit. Nulle part, il n’y avait de trace des deux femmes. S’il est impossible d’arriver là-haut par magie, il est par contre possible d’en repartir. Il était inutile d’essayer de les retrouver…

— Et je présume que ma mère a emporté le secret de l’amulette avec elle ?

— Sûrement. Pratiquement personne ne connaissait l’existence de ce pendentif. Il est donc peu probable qu’on se soit inquiété de sa disparition, mentionna Madox. Et comme notre mère n’avait personne à qui le léguer dans ce monde-ci…

— Il est tout de même possible qu’elle ait laissé un indice quelque part, quelque chose qui ne soit compréhensible que pour moi ou une autre Fille de Lune, dis-je avec espoir.

Madox esquissa une moue dubitative. Pas besoin qu’il le dise clairement pour comprendre qu’il n’y croyait pas du tout !

— Alors cette ascension devient inutile…, dis-je, en proie au découragement.

L’idée de m’être imposé cet exercice pour rien, dans mon état physique actuel, me fit grimacer de dépit.

— Je te rappelle, me dit Madox, que nous y allions d’abord pour que tu puisses jouir d’une partie de tes pouvoirs. Je crois que ça vaut toujours la peine de s’y rendre…

— … compte tenu de vos piètres performances jusqu’à maintenant, ajouta Alexis avec un sourire insolent.

Question de retenir une réplique assassine, je me concentrai sur le pendentif.

— Savez-vous à quoi ressemble ce talisman, Yodlas ?

Le chinork haussa les sourcils avant de les froncer, mais sans piper mot. J’attendis, pensant qu’il réfléchissait à la meilleure façon de le décrire.

— C’est étrange que vous me posiez cette question parce que je me rappelle me l’être moi-même posée, longtemps après les événements. J’ai le regret de vous dire que je n’en ai pas la moindre idée. Pourtant, je suis certain de l’avoir vu dans les mains de votre mère. Je suis désolé…

— Oh ! Ce n’est pas grave, m’efforçai-je de le rassurer, tâchant de ne pas avoir l’air trop déçu. Je me demandais simplement…

Je ne terminai pas ma phrase, plongée dans mes pensées. Le souvenir qui avait jailli de ma mémoire se précisait. Je plissai les yeux, cherchant à en capter les détails.

— Tu te demandais quoi, au juste ?

La question venait de mon frère, mais Alexis semblait tout aussi intéressé à connaître la réponse.

— Avant de traverser vers la Terre des Anciens, je me suis rendue à deux reprises près de la pierre de voyage, en plein jour, et je l’ai touchée, juste pour voir s’il se passerait quelque chose.

Une lueur de compréhension traversa le regard de mon Cyldias, mais je négligeai de lui en demander la raison, obnubilée par les images qui se bousculaient dans ma tête.

— La première fois, le visage d’une vieille femme s’est imposé à mon esprit ; je sais aujourd’hui que c’était Mélijna. La deuxième fois, la sorcière s’est à nouveau imposée, mais un jeune homme l’a rapidement remplacée – je pense que c’était vous, dis-je en m’adressant à Alexis. En fait, la vision fut si courte que je n’en suis pas certaine. Finalement, c’est un homme dans la quarantaine que j’ai vu. C’est cette dernière image qui a refait surface tout à l’heure, quand Yodlas parlait du talisman. L’homme était grand, vêtu d’une ample tunique bourgogne ceinturée ; ses cheveux, châtains, étaient longs et bouclés, et ses oreilles se terminaient légèrement en pointe. Il avait six doigts à la main gauche et je me souviens très bien qu’il tenait une cordelette de cuir au bout de laquelle pendait un étrange médaillon semblable à du bronze. On aurait dit un cercle, mais l’une des moitiés était hérissée de pointes. Je ne…

— C’est l’emblème de Maxandre ! me coupa Yodlas, d’une voix où perçait l’excitation. Un soleil enchâssé dans un croissant de lune. La grande Gardienne était née au moment même où le soleil cédait sa place à la lune, un soir d’hiver. Les derniers Sages disaient que c’était pour cette raison que ses pouvoirs s’étaient développés davantage, et surtout plus rapidement, que la majorité de ses consœurs. Ils croyaient que Maxandre avait hérité de certains dons de l’astre du jour en plus de ceux typiques aux femmes de la nuit.

Pendant que j’écoutais Yodlas, je remarquai que Madox et Alexis conversaient à voix basse, en m’observant. Mon frère fit non de la tête à plusieurs reprises, tandis qu’Alexis parlait toujours.

— Je peux savoir ce que vous complotez tous les deux ? lançai-je, un peu acerbe.

Soudainement songeur, Yodlas demanda à son tour :

— Se pourrait-il que vous ayez reconnu le métis porteur du talisman ? Est-ce un membre de la famille de Maxandre ?

J’intervins à nouveau, avant que l’un des deux hommes n’ait le temps de poursuivre.

— Pourquoi dites-vous que c’est un métis, Yodlas ?

Alexis répondit promptement à la place du chinork.

— Parce que malgré ses traits humains, cet être a six doigts et des oreilles pointues, caractéristiques propres aux elfes. La mère de Maxandre était une elfe de haut rang.

Il se tourna ensuite vers le chef de clan, répondant indirectement à sa première question.

— Il nous a effectivement semblé que la personne décrite par Naïla – l’entendre prononcer mon nom me procura une étrange sensation, peut-être parce qu’il prenait toujours bien soin de s’abstenir de le faire – ne nous était pas inconnue. Mais comme nous croyons peu probable que cet être soit toujours en vie, il vaut mieux que nous gardions cette hypothèse pour nous jusqu’à ce que nous soyons en mesure de la confirmer ou non.

Yodlas hocha la tête en signe d’assentiment, sans insister davantage. Je le trouvai beaucoup plus compréhensif que moi, qui bouillais littéralement de curiosité. Après tout, c’était mon souvenir et je jugeais que j’avais le droit de savoir qui était ce métis et pourquoi il m’était apparu si clairement. Je me promis de les interroger aussitôt que nous serions à nouveau seuls. Les deux hommes ne m’accordèrent même pas un regard quand ils se levèrent, vraisemblablement pour aller poursuivre leur conversation à l’abri des oreilles indiscrètes, y compris les miennes…

La lune était déjà haute lorsque nous nous couchâmes enfin. Je n’étais pas certaine d’avoir hâte au lendemain et, pour la millième fois au moins depuis mon arrivée, je me pris à espérer émerger bientôt de ce cauchemar, tranquillement étendue dans une chambre de la maison de Tatie.

 

La montagne aux sacrifices
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